France, Roman

Le chagrin

L’auteur raconte ici sa vie, toute sa vie, son enfance surtout, vécue dans une famille exceptionnelle à plus d’un titre. Une vie en compagnie de 10 frères ou soeurs, entre une mère hystérique et un père lâche. Bonne chance…C’est toute une vie française qui défile sous nos yeux dans ces pages. Et c’est passionnant.

Le tourbillon de la vie

Les premières années passées en Tunisie coloniale, avec une mère abominable qu’il en vient à haïr.L’enfance vécue avec un père effacé, truculent, mystificateur, lâche à la fois dont est fait ici un portrait tantôt attendri, parfois dur, en l’accablant d’avoir été trop faible devant une femme terrifiante. L’errance de la famille criblée de dettes, de maisons en homes ou appartements au gré des expulsions. Les années difficiles au Collège, les errements de l’adolescent timide, les premières amours: la moto, le journalisme, un mariage, des enfants. Une séparation, un nouvel amour, une vie qui recommence. Le tourbillon de la vie.

Fresque de temps présent

Ce livre s’inscrit dans la lignée des récits comme “Une vie française” de Jean-Paul DUBOIS, “Les années” d’Annie ERNAUX, “Les années-lumière” de Serge REZVANI. C’est la veine des grandes fresques du temps présent vu par le biais d’un homme ou d’une femme. Ce sont de grands romans attachants, où les années défilent, où se succèdent les faits d’une existence qui est  celle de ces auteurs, qui pourrait être la nôtre. Mais surtout, nous lisons là des mots, des phrases, nous tournons des pages qui ont une couleur, une lumière, parce qu’à travers de tels livres transparaît une sincérité partagée.

On ne naît pas mère, on le devient

Nous retenons en plus de ces lignes rédigées sans pudeur, un portrait étonnant fait par le narrateur de sa maman.Par un curieux hasard, incompréhensible pour la plupart des hommes, il s’avère qu’une femme, mère de dix enfants, n’a jamais été “maman”! Il semble bien, à comprendre Lionel DUROY, que la maternité, c’est autre chose que de donner naissance à une enfant; c’est faire preuve d’un véritable sentiment maternel. Il arrive parfois, et plus souvent qu’on ne croit, qu’une mère soit dépourvue d’un amour maternel, au contraire de toutes les apparences, au déni des états civils. C’est à un simulacre de maternité que nous assistons, que dénonce, démonte patiemment l’auteur, d’autant plus difficilement que cette tromperie se produit avec la complicité d’un mari lâche, d’une fratrie et de tout un entourage. Il est vraisemblable que, au sein de ces familles, apparaît un élément, un individu pour rompre le silence, en l’occurrence, Lionel DUROY.

“Comme je suis content de les avoir tous mis hors d’état de nuire. Je suis le maillon rompu, celui sur lequel s’est cassée la chaîne” (p. 515)

Réparation

Le narrateur peut, en délaissant ces liens défaits, nouer d’autres relations dans une famille qu’il se crée avec l’aide d’une seconde épouse, pour le bien de ses enfants, au sein d’un foyer. Juste réparation, après les expulsions de l’enfance, les exclusives familiales.Un livre étonnant, intéressant à plus d’un titre.——Lionel DUROY, Le chagrin, ed. Juliard, Paris, 2010, 548 p.

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