Marc, le narrateur, est écrivain-journaliste. Il parcourt la République serbe de Bosnie en compagnie de son traducteur Boris. Les deux compères travaillent pour le compte d’un journal français et rendent compte de la situation au lendemain des conflits qui ont opposé Serbes, Croates et Bosniaques entre 1992 et 1995.
Le fait qui accapare le romancier
Le prétexte du narrateur, le leit-motiv original du narrateur est le suicide en 1994 de la jeune Ana Mladic, fille du général Ratko Mladic accusé de crime contre l’humanité par le Tribunal international. L’entourage du général en fuite, tout le peuple serbe prétend que la jeune femme a été assassinée lors d’une attaque surprise par des musulmans. Le narrateur, en revanche, est persuadé que la fille unique du général honni s’est suicidée après avoir pris connaissances des exactions commises par son père, notamment le massacre de femmes et enfants en plein centre de Sarajevo le 5 février 1994.L’auteur reconstitue peu à peu les derniers instants de la jeune Ana, grâce aux témoignages qu’il récolte, par le biais de son imagination si nécessaire. Dans de belles pages, Lionel DUROY décrit une dernière rencontre entre Ana et son père; il rapporte le dialogue qui oppose le général et sa fille, sorte d’Antigone éminemment poignante.
Valeur romanesque, vérité historique
On souscrit peu à la valeur historique de cet épisode romancé par l’auteur – alors que le reste du roman a une teneur documentaire à charge et à décharge des belligérants. Mais on est gagné par la force dramatique de la scène imaginée ici avec le talent d’un vrai scénariste qui excelle dans l’écriture de dialogues.Plusieurs digressions relèvent l’analogie avec la situation des enfants de tortionnaires nazis durant la seconde guerre mondiale, comme Gudrum Himmler, fille du terrible criminel de guerre allemand, ou Niklas Frank, fils du Gouverneur de la Pologne occupée.
Document doublé d’un roman
Le récit vaut sans conteste pour sa part documentaire, étonnamment mis en valeur dans un roman. Peu importe parfois si les hypothèses élaborées par l’auteur s’avèrent fondées ou non; tant pis si l’on croit peu à l’explication du romancier quant à la mort de la jeune Ana. Le livre prend toute son envergure lorsqu’il développe régulièrement le thème du pourquoi la violence, du comment la barbarie, quelque soit la région où les crimes ont été commis : en Serbie, en Croatie ou en Bosnie. L’Hiver des hommes est ainsi un document doublé d’un roman où des scènes et des faits retiennent toute notre attention.