Egotisme, Famille, France, Roman

Rien ne s’oppose à la nuit

Delphine de Vigan, Rien ne s'oppose à la nuit

L’auteure essaie “d’écrire sa mère”, peu après le décès de celle-ci à 61 ans. Elle nous livre sa vérité sur sa maman. C’est une enfant belle issue d’une famille nombreuse, plus de neuf enfants, frappée par les drames, les abus, les excès, alors que règne la loi du silence. Un frère mort par accident, le suicide d’un autre, l’inceste commis par le père sous les yeux d’une mère, tous les dérèglements expliquent le comportement fou de Lucille, les internements.Delphine de VIGAN explore les origines du mal qui ronge sa maman, dans une enquête menée auprès de ses proches. Oncles, tantes, parents et soeur nourrissent le récit qu’elle nous donne. Lucille a souffert de psychose maniaco-dépressive et l’auteure reprend à son compte l’intranquillité de sa mère pour en faire un roman en guise d’hommage.

Déconstruire le roman familial

C’est un vrai travail de déconstruction qu’ entreprend la romancière un  pour échapper à la mythologie des familles, refuser la part de fabulation et mettre à mal la reconstitution narrative des romans familiaux, des récits de famille affabulateurs. La présente fiction met à nu un récit collectif qui le précède, l’histoire qui a cours dans les rangs familiaux pour recouvrir bien souvent un désastre. Alcool, folie, suicide, inceste … que de drames!L’entreprise de de VIGAN est similaire à celle de Lionel DUROY (“Le chagrin“) ou de Christine ANGOT (“L’inceste“), qui combattent à leur façon le silence des familles. On pense aussi au très beau livre confession de BARBARA qui raconte subrepticement l’inceste commis à son encontre, avant de faire face à la maladie, aux dépressions, aux internements elle-aussi. Fait étrange, Barbara est née dans une famille très nombreuse et était la tante de Lucille… Psycho-généalogie étrange!

“J’ignore comment ces choses (l’inceste, les enfants morts, le suicide, la folie) se transmettent. Le fait est qu’elles traversent les familles de part en part, comme d’impitoyables malédictions, laissent des empreintes qui résistent au temps et au déni.” (p. 282)

Rendre hommage

Mais c’est aussi un vibrant hommage auquel se livre l’auteur envers sa mère courage qui a su vivre avec ses maux, après bien des épreuves. Lucille réussit des études sociales entre deux crises, travaille au service des autres, tout en souffrant parfois.

 “Oui, Lucille a fini par sortir de vingt années d’hébétude, d’anesthésie. Oui, Lucille a repris des études, a réussi son examen, a trouvé son refuge (…). Lucille est toujours restée suspendue au-dessus du vide et ne l’a jamais quitté des yeux.” (p. 384)

Pour toujours intranquille.L’auteur a connu, on le comprend, une enfance malmenée; elle est devenue jeune une enfant-mère, mère de sa propre mère. Aujourd’hui écrivaine, sensible, forcément inquiète, elle nous donne à lire un livre très attachant, déchirant.

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