France, Roman

Le Club des incorrigibles optimistes

Roman d’initiation

On suit avec sympathie le jeune Michel Marini, âgé de 12 ans en 1959. Il grandit dans une famille petite-bourgeoise à Paris, dont il s’échappe volontiers par la lecture ou grâce à son intérêt pour la photographie. Il rejoint au café Le Balto des condisciples pour jouer au baby-foot; il côtoie les amis de son frère Franck, Cécile et Pierre. Il fréquente une arrière-salle de l’établissement où se réunissent les membres d’un club de joueurs d’échec, tous réfugiés politiques ayant fui la Russie soviétique, la Grèce des militaires, la Tchécoslovaquie.C’est à une véritable éducation du jeune héros que nous assistons:

  • éducation sentimentale, en compagnie de Cécile dont il devient le petit frère protecteur. Apparaît aussi Camille, avec laquelle il partage une passion pour la littérature et dont il s’éprend vite;
  • éducation littéraire, grâce à une libraire attentionnée ou Camille même qui l’éclaire sur le choix d’auteurs;
  • éducation politique, par la présence de ses amis exilés dont nous apprenons peu à peu l’histoire, parfois tragique, souvent truculente. Igor, médecin russe dont les qualités professionnelles ne sont pas reconnues dans son pays d’accueil; Leonid, le héros de l’aviation soviétique qui a rejoint la France pour l’amour d’une femme; Werner, projectionniste est-allemand; Gregorios, le linguiste grec. Sacha enfin, l’apparatchik stalinien, que les autres rejettent dans la solitude et la pauvreté.

École de la vie

Mais c’est l’école de la vie que notre jeune héros fréquente aux côtés de ses amis apatrides. Tous, malgré la perte de proches laissés au pays, malgré l’exil et la déchéance, font preuve d’un optimisme à toute épreuve. “Le pire est devant nous. Réjouissons-nous de ce que nous avons.” (p. 459)

“- L’important, c’est d’être vivant, non?- Oui, il faut penser à l’avenir.- Si nous, nous ne sommes pas optimistes, qui le sera?” (p. 212)

Fresque des années  ’60

En toile de fond, c’est la France des années ’60 vue par le menu:

  • une famille dont le père et la mère innovent en divorçant;
  • les années d’or, avec l’apparition des électro-ménagers, du tourne-disque, de la citroën DS, un appareil Kodak, le rock…
  • la guerre d’Algérie, par le biais de Franck, engagé volontaire, ou de Pierre mort en embuscade;

Ce livre est la fresque ample d’une France nouvelle, le portrait attachant des années chères au cinéma de Truffaut – ce Michel a quelque chose d’Antoine Doinel, héros du cinéaste, auteur des “400 coups”.

Sacha, le merveilleux

Un personnage traverse tout le roman et accompagne notre jeune héros dans son évolution. Sacha, le magnifique, apparatchik détesté par les siens, que Michel apprend à connaître et qui l’aide à voir “les choses cachées derrière les choses“. Il est celui, à l’opposé de ses congénères truculents jusque dans le malheur, qui conseille et aide vraiment. Il développe ses photos et expose ses premiers tirages. Tel un Cyrano, il lui écrit des poèmes qui, récités par Michel à Camille, la rende amoureuse. Les poèmes appartiennent à ceux qui les aiment, prétend-il. Il est le mentor, le philosophe, le martyr.Apparu en catimini au cours du récit, il sera celui qui provoquera la fermeture du Club et auquel tout l’épilogue sera consacré, pour donner in fine à l’ouvrage une autre signification.Si, pour le jeune Michel, le Club aura été une merveilleuse école de la vie, Sacha en aura été le maître, en creux. Merveilleuse figure romanesque.

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