Emmanuel CARRERE sait de qui tenir. Il est le fils d’Hélène Carrère d’Encausse, éminente spécialiste de l’URSS. Avec la caution historique nécessaire, il nous raconte l’histoire d’Edouard Savenko, dit Limonov, au fil des évènements qui ont secoué la Russie lors de ces dernières décennies.Jeune enfant fils d’un agent du KGB, Limonov naît en 1943 et traverse l’histoire de l’Union soviétique devenue aujourd’hui la Russie aux mains de Poutine.
Récit picaresque
Tout arrive. Notre héros est interné dans un hôpital psychiatrique après un suicide manqué; il fuit le communisme sous Brejnev, se désespère exilé aux États-Unis, se révèle romancier édité à Paris (1980), revient à Moscou quand tombe l’URSS (1989) et déplore la fin du communisme. On le découvre va-t-en-guerre malfaisant en Serbie (1991-1992). Il retrouve Moscou transformé en Far-West où triomphe un capitalisme sauvage sous Eltsine. Il fonde un parti national bolchévique, tombe dans un traquenard au Kazakhstan, est emprisonné pendant plus de sept ans. On le quitte à la fin de ce roman la soixantaine déçue.
Un homme énorme
Ce livre est le portrait détonnant d’un homme toujours sans mesure, caméléon instable, philosophe inattendu, qui présente mille facettes. Il peut se montrer grand ou vil, poète ou guerrier, insaisissable. Il nous surprend quand il découvre la méditation transcendantale en prison et devient roi privé de liberté. Emprisonné, il est plus libre que jamais, dans le plus grand dénuement qui pour lui est tout.
“On peut dire que c’est l’enfer, la colonie, mais par la seule force de son esprit, il a été capable d’en faire u!n paradis” (p. 417)
Croisements biographiques
Étonnamment, Emmanuel CARRERE mêle avec à-propos des éléments autobiographiques et des faits de la vie de Limonov. Il dresse le portrait croisé de lui-même et de son héros. Ces apartés autobiographiques représentent des pauses bien venues, des digressions amusantes, qui permettent à l’auteur de garder une bonne distance par rapport à son héros. Nous revenons alors avec plus d’envie encore au récit de Limonov, sorte de réunion de Monte-Cristo, Jean Valjean ou Barry Lindon à la fois. Quelle figure diablement romanesque!—–
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