Christianisme, Israël, Roman

Judas

Amos Oz, Judas

Shmuel Asch est un jeune homme de 25 ans qui vit à Jérusalem en cette fin d’année 1959. Grand, barbu, hypersensible, il interrompt ses études en Histoire et religions, après une rupture amoureuse. Il délaisse son mémoire consacré à Jésus dans la tradition juive et accepte un emploi de garde-malade. Dans une maison presque vide, il tient compagnie à Gershom Wald, invalide âgé de 70 ans. Son travail consiste à entretenir la conversation avec le vieil homme en fin de journée.

Atalia, fille Abravanel

Dans cette maison bâtie au fond d’une ruelle isolée à Jérusalem, rôde la belle Atalia, 45 ans, veuve, belle-fille de Gershom. Elle est la fille de Shealtiel Abravanel, idéaliste qui s’est opposé à Ben Gourion lors de la création d’Israël. Le père d’Atalia poursuivait le rêve de voir s’unir Juifs et Arabes sur les terres de Palestine; il est mort avec ses idées, seul face à l’opprobre des Israéliens.

Judas, fondateur du Christianisme

Shmuel et le vieil homme conversent longuement. Ils dissertent sur l’opposition entre Abravanel et les fondateurs de l’Etat d’Israël. De leurs discussions naît la comparaison de Abravanel avec la figure biblique de Judas tant réprouvée dans la chrétienneté. A l’encontre de la pensée populaire, Judas est présenté ici comme un héros, le fondateur du Christianisme. L’homme a toujours été décrit comme agent double, infiltré parmi les disciples pour le compte des Pharisiens. Mais il est aussi celui qui a initié la Pâque, la Passion. Il a été l’instigateur de la crucifixion. Il fut imprésario, metteur en scène des derniers instants du Christ.

Il est aussi le fidèle qui ne se se remet pas de la mort de Jésus. Pris de remord à cause de son forfait, inconsolable depuis la disparition de son maître, il se pend et ne survit pas à Jésus mort sur la croix. Au contraire des apôtres qui fuient ou s’absentent lors des derniers instants de la Passion, Judas accompagne son mentor dans la mort. Honni comme un traître, vil, malfaisant, il est sans doute celui sans qui le Christianisme n’aurait pas existé.

Abravanel, fondateur honni en Israël

Ainsi apparaît aussi Abravanel : traître à la nation d’Israël, opposé à la création d’un Etat juif. Et pourtant, les fondateurs et dirigeants israéliens ont donné naissance à un pays dans le sang, par la guerre et la haine entre les peuples. Juifs et arabes sont devenus irréconciliables, et

“Toute la puissance du monde ne suffirait pas à transformer la haine en amour” (p. 125).

Les traîtres peuvent apparaître selon le point de vue des êtres extrêmement courageux.

Car tout s’inverse dans ce roman. Shmuel fait une chute et se blesse à la jambe. Plâtré, il ne peut plus bouger et occupe au rez-de-chaussée la chambre du vieil Abravanel. C’est au tour du vieux Gershom de rejoindre le jeune homme impotent pour continuer leurs conversations. Et la belle Atalia de prendre enfin soin de lui, le temps de le remettre sur pied et de le laisser quitter la demeure du vieux Gershom vers une autre vie.

Tout cela aura duré quelques mois, le temps d’un seul hiver. Comme une hibernation nécessaire pour Shmuel.

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Repris sous:Christianisme, Israël, Roman
Références: Judas, Gallimard, 2016, 347 p.
- paru en 2014 sous le titre original "Ha besora al-pi Yehuda iskariot"
- traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen

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