Hortense, épouse et mère, emmène mari et fils dans une course folle. A sa suite, la vie n’est qu’imposture rieuse, extravagance débridée et ignorance délibérée de la réalité. Avec pour compagnon de route un grand oiseau exotique, Mlle Superfétatoire, et le Sénateur, l’Ordure, un ami du père.
Tout le monde y trouve son compte. La femme réussit à donner un sens à la vie, à défaut de but dans l’existence. Le mouvement perpétuel est érigé en mode de vie et la chanson de Nina Simone, Mr Bojangles, est une musique d’un film sans arrêt sur image. Cet air devient ici un véritable hymne à l’amour.
L’esprit de la fête
A tour de rôle, l’époux et le fils prennent la parole et disent leur attachement à cette femme. Hortense mène son petit monde et emmène ses proches, une foule d’amis dans une danse virevoltante. Dans sa tête, malgré des bas, avec des hauts, le sens de la fête perpétuelle.
“Parfois elle se lançait dans de folles entreprises avec un enthousiasme surprenant. Puis l’enthousiasme s’évanouissait, les entreprises aussi, seules les surprises demeuraient.” (p.66)
La femme est ce qu’on appelle borderliner, maniaco-dépressive, bipolaire. Au lieu d’être une souffrance, c’est une chance pour les deux narrateurs, l’enfant retiré de l’école (ses parents lui offre une retraite anticipée!) ou le père romancier. Georges, le mari, écrit en effet un livre qui est celui que nous lisons, le livre du père avec “ses mensonges à l’endroit à l’envers” (p.157).
Un kidnapping familial
Mais la réalité rattrape les doux rêveurs, les beaux parleurs, les êtres délurés. Des médecins entendent hospitaliser Hortense. Elle séjourne en clinique en compagnie de “déménagés du ciboulot“. Le corps médical parle d’hystérie, de schizophrénie. Le mari et le fils organisent alors un kidnapping familial. Ils extraient la mère de l’institution psychiatrique et poursuivent en sa compagnie un mouvement vers l’avant avec pour haltes des hôtels luxueux où faire la fête.
“Dans le couloir, pour me faire danser la valse, Maman avait fait voler du bout de ses pieds ses chaussures à talon jusqu’au plafond et m’avait volé mon chapeau à pompon. Son foulard en soie me caressait le visage, ses mains étaient douces et tièdes, on n’entendait que sa respiration et les applaudissements cadencés de Papa qui nous suivait en souriant aux anges.” (p.108)
Seule la mort peut mettre un terme à cette destinée, vécue dans l’allégresse. Meurt la mère, puis le père, qui laisse à l’enfant un livre, celui dont nous tournons les dernières pages.
Une fable et un conte
Un livre étonnant. C’est une fable poétique, un conte philosophique. Le récit est humoristique, désopilant par moment. Le propos est humaniste. Le style se nourrit de nombreuses allitérations qui rythme l’écriture, l’euphonie règne en maître.
Ce roman est tout à la fois, et le charme opère de bout en bout.