Adolescence, Apprentissage, Homosexualité, Initiation, Italie, Jeunesse, Roman

Plus tard ou jamais

André Aciman, Plus tard ou jamais

Elio, le narrateur, a 17 ans. Ses parents accueillent, comme chaque été, un étudiant américain. Oliver, âgé de 24 ans, a tout pour plaire. L’intelligence d’un brillant universitaire, le charme d’un homme à l’aise dans ses rapports avec autrui. Avec pour cadre magnifique une propriété antique près de la mer, se noue une relation  entre Elio et son hôte, parfois difficile. L’ami américain se montre avec le jeune homme tantôt distant, parfois silencieux, voire dédaigneux, jusqu’au jour où…

Charme dans la torpeur d’un été

Les deux jeunes hommes évoluent dans un cadre enchanteur avec désinvolture, flegme et charme. Sieste, baignade dans la piscine ou dans la mer, déjeuner à l’ombre des arbres du jardin… tout concoure à rapprocher les deux êtres qui se fuient de prime abord, puis qui cèdent à la tentation. Le temps d’un été, dans un cadre pareil à un jardin d’éden.

Métamorphose

C’est une métamorphose à laquelle nous assistons, celle qui transforme le narrateur de par la relation qui se développe entre lui et son ami. D’abord flirtant avec Marzia, jeune fille du village, Elio, inconstant, passe de l’amie à l’ami.

“Ah, aller d’un corps à l’autre…” (p. 148)

Elio papillonne, sorti de sa chrysalide, et se mue en amant. Il passe d’un corps à l’autre, non seulement va des bras de l’une pour ceux d’un autre, mais littéralement, il devient différent, son corps change, le jeune homme se transforme. Il incarne quelqu’un d’autre, à la suite d’une initiation, par la confusion des genres, grâce à une métamorphose du corps. “Il est plus moi-même que je ne le suis”, prétend-il plus tard, en empruntant la formule de la romancière Emily Brontë (p. 265).

Transformation linguistique

Cette transformation se marque jusqu’au nom. Ainsi, les deux amis, dans l’intimité, par jeu, s’échangent leur prénom. L’un appelle l’autre par son propre prénom, comme le souligne le titre original “Call me by your name“. L’union des êtres, la fusion des corps aboutit à la métamorphose suprême, l’échange des noms, transformation ultime. Je suis toi, tu es moi, après que je sois devenu un autre. A la vie et à la mort. Des métamorphoses à un art d’aimer:

“Tu es la seule personne à qui j’aimerais dire adieu quand je mourrai, parce que seulement alors cette chose que j’appelle ma vie aura un sens… Et si j’apprenais que tu étais mort, ma vie telle que je la connais, le moi qui te parle maintenant cesserait d’exister.” (p. 286)

Influence de Bassanie

Il y a dans ce livre quelque chose du célèbre roman italien “Le jardin des Finzi-Contini” de Giorgio Bassani, d’origine juive, comme les personnages de “Plus tard ou jamais”.

Ainsi, le narrateur fréquente Micol Finzi-Contini et se rend bien vite compte des sentiments puissants qu’il conçoit pour elle. Mais Micól adopte une attitude ambiguë : de plus en plus proche de l’auteur, mais en même temps tellement inaccessible lorsque les choses semblent un peu s’accélérer. Elle est à la fois une promesse et une prémisse de la désillusion amoureuse qui surviendra dans le tumulte de la guerre. Le roman est le récit d’une initiation, amoureuse, littéraire, politique.

Ici aussi, un charme évident opère, dans l’atmosphère indolente des après-midis d’une riche propriété en Italie, l’attraction opérée par des personnages séduisants, désinvoltes ou passionnés. Et il s’agit d’un vrai roman d’apprentissage, de cette initiation qui laisse la personne différente à jamais, d’une altérité totale née de l’amour, d’une différence inscrite dans la chair et dans le verbe.

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