Un père, seul, avec ses deux jeunes enfants, après la disparition inexpliquée de sa femme, s’établit à Honfleur, sa terre natale. Un retour aux sources, près de la mer, dans une nouvelle maison, “comme un lieu neuf et sans mémoire”, mais dans une impasse…Se ressourcer, comme être dans l’impasse : un chemin sans retour. Dans l’impasse, mais dans un moment de répit, enfin.

Ces perdants magnifiques

Écrivain en panne, quelle histoire est-il venu écrire là? Il exerce un emploi chez son frère comme moniteur automobile. Il apprend à conduire à quelques personnes, lui qui se conduit si mal avec les autres ou tout simplement avec lui même! Père magnifique, pourtant, aimant à défaut d’être aimé, “beautiful loser” avec quelques êtres qui l’entourent ou qu’il rencontre, tous ces perdants magnifiques:

• son frère, sérieux, gérant d’une auto-école, stérile, en manque d’un enfant que sa femme lui donnera pourtant, mais d’un autre homme;
• Justine, une élève des cours automobiles, adolescente mal dans sa vie, mal dans sa peau;
• une voisine infirmière, solitaire, bienveillante, qui s’occupe des enfants ou accueille le narrateur, dans ses bras, dans ses draps, occasionnellement;
• un père, ancien taulard, qui fugue en compagnie de son fils duquel il a été trop séparé et que la police poursuit;
• Bréhel, un représentant de commerce sans commerce, sans emploi, car sans permis de conduire, que le héros écolera, épaulera;
• Combe, l’inspecteur de police sympathisant, qui suit sa fille devenue grande, de loin, après l’avoir abandonnée à sa naissance, dont il ne peut plus jamais se détacher.

Et toujours ce silence…

Une tristesse diffuse unit ce petit monde que l’on voit évoluer durant quelques instants, quelques mois, avec beaucoup d’attachement. Un cercle de parents, d’amis ou de connaissances, tous personnages improbables ancrés dans le silence, par la pudeur, “une gangue épaisse de silence et de solitude”:

“toujours à fuir les gouffres intimes, les confessions sentimentales, à nous livrer à demi-mots, entre deux silences”

“assis sur son petit paquet de non-dits”.

Cette impossibilité maladive à communiquer par les mots, par la langue – au-delà du silence, se marque dans l’instant où le narrateur apprend la mort violente de sa femme. A la morgue, il est appelé à reconnaître ses effets personnels.

“J’ai vomi (…), c’est sorti en un grand jet blanchâtre, je n’ai rien pu retenir, je me vidais (…).”

Tout restera non-dit, en cette veillée de Noël passée auprès des siens. Il laisse parler le silence, par les gestes, par les larmes, par le corps – pas par les mots.

Livres du même auteur: