Abstraction, Art, Peinture, Récit

Détails d’Opalka

En 1965, Roman Opalka, peintre polonais alors âgé de 34 ans, décide de vouer sa vie au Temps. Il y consacrera tout son temps! Il entame en effet une série de peintures qui ne s’arrêtera pas, sinon par sa mort en 2011. Il peint d‘immenses tableaux remplis de nombres, depuis 1 jusqu’à … l’infini? Il compte, littéralement, en peignant. Il énumère les chiffres sans fin. Il se fait le notaire du Temps qui passe.
Un, deux, trois, … Il recouvre ses toiles de noir pour inscrire au pinceau fin les nombres. Au fil du temps, il ajoute 1% de blanc au noir sur la toile pour parvenir in fine à peindre en blanc sur une surface blanche.

En 1968, l’artiste apporte une variation à son travail. Il enregistre sa voix lorsqu’il compte. Il se prend aussi en photo lorsqu’il achève un tableau. Un autoportrait sur fond blanc de l’homme revêtu d’une même chemise blanche. Le temps s’écoule et s’inscrira sur la peau de l’artiste. Les traits de son visage traduiront autrement le passage du temps.

La maîtrise du temps

Les toiles se succèdent, la voix égrène les nombres qui se suivent, les photos captent l’usure du temps, le vieillissement de l’artiste dans une marche inéluctable vers la mort. Opalka s’érige vainement en maître du temps, dans ce travail d’artiste maniaque, résolu, totalement fou. Chaque nombre, une de ses toile ou une photo est un instant, un élément parmi une série qui semble ne jamais s’arrêter. Un moment unique qui est le résultat de tous les instants qui le précèdent, lui-même ingrédient d’un moment à venir.
Sept mois seront nécessaires pour remplir sa première toile et atteindre le nombre 35.327. Plus tard, il dépassera le million, atteindra des étapes importantes (7 x 7 : 7777777, par exemple). Il mourra en 2011 après avoir inscrit 5607249. L’œuvre de toute une vie prendra fin alors.

Un compte à rebours

Claudie Gallay nous fait découvrir un artiste hors du commun occupé dans une démarche obsessionnelle, répétée à l’infini presque. Car son travail s’apparente davantage à un pathétique compte à rebours, avant la mort. Inscrit dans une loi des séries, son œuvre est un lieu d’inscription du temps, sur la surface d’une toile, dans le grain de la voix d’un enregistrement vocal, ou sur les traits de l’homme portraituré au fil du temps.

Une abstraction profondément humaine

Intellect se mêle à l’émotion, dans ce travail humain, éloigné de l’abstraction inhumaine. L’amateur découvre une peinture abstraite fascinante, comme les tableaux de Pollock, Mondrian ou Soulages, où se mêlent plaisir et savoir. Émotion picturale et réflexion se combinent à merveille, sans que l’une ne prenne le pas sur l’autre, parce que l’une ne va pas sans l’autre.

Claudie GALLAY nous présente de manière sensible, tout autant obsessionnelle, le travail du peintre. Elle nous raconte l’histoire incroyable de cet artiste, enquête, recherche, suppose. Elle nous fait partager sa fascination pour cet art qui trouble, dérange et émeut.

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