Communisme, Roman, Roumanie

La petite communiste qui ne souriait jamais

Lola Lafon, La petite communiste qui ne souriait jamais

Tout commence durant l’été 1976 à Montréal. Une gymnaste obtient la note maximale de 10/10 après un exercice à la poutre lors des Jeux olympiques. Les juges sur place, le public, le monde entier découvre sidéré cette jeune prodige. Elle répète sa prestation remarquable au sol, aux barres asymétriques ou au plinth. 4 médailles d’or, des figures inédites, un saut de l’ange. Son nom est inconnu, elle paraît incroyablement jeune. Elle se nomme Nadia Comaneci, elle a 14 ans à peine. Le monde vient d’assister dans une salle de gymnastique à la perfection rendue humaine.

La petite fonctionnaire de la gymnastique

Lola LAFON retrace le parcours incroyable de la jeune fille depuis son enfance à Orresti en Moldavie jusqu’à sa fuite hors de Roumanie vers l’Occident, peu avant la chute de la dictature communiste en 1989. Avant d’être une merveilleuse athlète couverte de gloire et d’or en 1976 à Montréal, la petite gymnaste est un vrai “robot communiste“, une “mini-fonctionnaire de l’acrobatie” (p.25). Son entraîneur, Bela, la forme à la dure dès 1969. Il met en place une machinerie qui produira sa graine de championne avec d’autres jeunes filles. Tout y passe : efforts physiques intenses, alimentation surveillée, privations en tout genre. De 6h à 22h se succèdent dîner frugal, leçons et coucher. Le corps souffre, un mental d’acier se forge, la faim est constante. Les figures parfaites, la chorégraphie pleine de grâce dans le gymnase sont le résultat d’un travail acharné, inhumain. Tout cela pour atteindre les sommets, gagner l’or, faire croire à une perfection humaine.

Les hauteurs, puis la chute

Grandeur, puis chute. Splendeurs et décadence : d’avoir atteint les hauteurs, la jeune enfant devenue adolescente ne peut que déchoir. Elle déçoit, décroît, tombe. Alors que le pouvoir communiste de Ceacescu la met en avant comme figure emblématique d’un communisme victorieux… Les rêves ne durent pas, la réalité reprend ses droits, l’illusion s’estompe.

La jeune fille a incarné, à son corps défendant?, le communisme, en donnant l’image de la perfection à la vue du peuple roumain et de l’Occident. En trébuchant avant de tomber, jouet des manipulations d’un pouvoir torve, elle accompagne la chute du régime communiste en 1989. Révolution? coup d’état? le renversement du pouvoir s’effectuera dans des conditions troubles. Le parcours romancé de Nadia Comaneci épouse l’évolution du pouvoir en Roumanie, dans la folie des grandeurs et la décadence.

Á l’image du monde environnant

A quel moment tout s’inverse? Quand plus rien ne tient et tout s’effondre? Comment resplendit un temps l’illusion, la magie d’un instant, et puis tout s’évanouit? Voilà le propos de l’auteur. Lola LAFON donne un point de vue, de l’autre côté du miroir. Derrière les apparences, ce qui fait la vie de la jeune prodige avec pour décor l’enfer doucereux du communisme roumain, derrière le rideau de fer.

La destinée de la jeune gymnaste est romanesque sous la plume de Lola LAFON. De nombreuses réparties entre la narratrice et son héroïne rythment le récit. Tels des témoignages imaginaires, de faux échanges entre l’auteur et son modèle. Ils entretiennent les sentiments du lecteur, de la fascination à l’effarement, de l’effroi à l’écœurement.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *