Famille, France, Roman

Une année étrangère

Brigitte Giraud, Une année étrangère

Fin des années ’70, une jeune Française se rend comme jeune fille au pair en Allemagne de l’Ouest. Elle quitte sa famille d’origine, endeuillée, pour une autre vie aux côtés de M. et Mme Bergen et leurs deux enfants. Dur apprentissage au contact de personnes étrangères, qui parlent une autre langue, en proie aussi à des contrariétés, des problèmes insoupçonnés.

La question de la langue

Laura a 17 ans et débarque dans un port de la mer Baltique pour apprendre l’allemand pendant six mois au sein de la famille Bergen. Elle se défait de sa famille en lambeaux frappée par la mort; elle fuit une mère envahissante, un père lâche, un frère amoureux, sur le départ. Elle apprend alors, moins la langue allemande, plus encore les habitudes d’une vie étrangère, tantôt étrange, tantôt sordide. Elle perd sa langue, un peu comme on perdrait pied, dans un pays étranger, et tombe presque dans le mutisme et la soumission.Le rapport à la langue, c’est le rapport à la mère. La narratrice quitte sa maman, froide et perverse, indifférente, pour trouver une mère de substitution qu’elle comprend mal. La vie paraît étrange en apprenant une langue étrangère.

Exil volontaire

La jeune fille, fidèle lectrice de Thomas Mann et de la Montagne magique, est en exil volontaire, à l’égal des personnages de ce roman:

“(…) au sanatorioum, les êtres sont comme en exil, amputés d’une partie d’eux-mêmes. Ils ne montrent que ce qu’ils veulent bien montrer et tout le monde joue un jeu de masques et de faux-semblants. Tout le monde se cherche sans jamais se trouver. ” (p. 98)

Lorsque les habitudes se créent, quand un lien naît entre Laura et ses parents d’adoption, survient la maladie : la mère est frappée par un cancer, en son sein. Tout se dérègle alors, et la jeune fille se sauver enfin, dans un dernier sursaut, en retrouvant langue, en disant non à l’inacceptable…

Roman d’apprentissage

On suit volontiers cette adolescente

  • dans sa fuite originelle
  • dans sa nouvelle famille
  • dans sa quête difficile, hésitante

jusqu’à son départ ultime, vital.

“Et pour la première fois, je me sens libre, étrangement légère, libre parce que étrangère, dans une vie provisoire, sans témoin, sans passé. Sans rien à prouver.” (p. 135)

Très beau petit roman d’une année étrange dans la vie d’une jeune fille. Un roman d’initiation au féminin, le roman des origines langagières, d’une langue maternelle difficile.Le récit de cet apprentissage est mené de main de maître par Brigitte GIRAUD qui nous donne les éléments de narration petit à petit, ménageant ses effets, nous assurant d’une fin surprenante. 

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