Les amours adolescentes pour une femme plus âgée : ce thème est développé de manière sensible au Japon. Mirumé Isogai a 19 ans; il étudie le dessin à l’institut des beaux-arts sous l’égide de sa professeur Yuri, 20 ans de plus. Pendant près de deux ans, ces deux êtres vont nouer une relation amoureuse inégale. Car dans l’amour, il est toujours une personne qui aime davantage, et cette inégalité est plus marquante qu’une seule différence d’âge.Isogai accepte de poser comme modèle pour Yuri. Son professeur fait de lui son portrait lors de séances de dessin qui se répètent très régulièrement. Il est un jeune élève, chétif, innocent. Elle est chargée de cours, expérimentée. Elle est maître de la relation qu’elle fait naître, vivre, et… mourir. “Elle n’en fait qu’à sa tête” (p. 38), alors que tout parle au corps, aux sens du jeune homme.
Altérité profonde
Leur lien est forcément inégal: l’une maîtresse, l’autre inexpérimenté; elle, qui façonne, lui modèle de dessin. Mais cette différence traduit entre eux une altérité bien plus profonde, celle qui existe entre celui qui aime, et celle qui est aimée, et de s’apercevoir de cela est déchirant. Même si, comme l’entend dire le jeune héros par sa maîtresse, lorsqu’il s’interroge sur sa capacité à la satisfaire:
“Si on éprouve du plaisir, il faut se dire que l’autre aussi. C’est comme en peinture.” (p. 48)
En matière artistique, comme en amour, tout est affaire de représentation:
“Le sexe appartient à l’imagination. Ce qui produit du plaisir est moins le contact que sa représentation.” (p.54)
Fin de la représentation
Enfin, la réalité reprend ses droits, loin de tout imaginaire. Yuri quitte ses fonctions à l’académie des beaux-arts,; sa relation avec le jeune adolescent cesse également.Le récit prend fin alors. Fine variation sur le même thème de l’amour et de l’art, en partant de la figure légendaire du Pygmalion et de son modèle.