Tout en lui est différent et attire le regard: sa culture, sa superbe. Il occupe vite le centre de la petite bande. Étonnant pour un lycéen, il a lu Borgès, Joyce, tous les grands auteurs. Les élèves l’admirent, les professeurs le craignent, les filles l’adorent.
Le manuscrit trouvé
Il deviendra peut-être cet écrivain, le narrateur du “Premier amour” paru pourtant 5 ans plus tôt. Mais l’auteur brouille les piste : Amigorena nous fait le coup du manuscrit transmis par un inconnu, témoin anonyme du passé scolaire de la petite bande. Le récit remis tel quel à l’éditeur prend place dans cet ouvrage plus vaste qui expose la vie et l’œuvre d’un écrivain imaginaire nommé Amigorena!On en aurait presque le tournis! Mais on s’amuse de ces allusions finales, considérations gigognes, telles des poupées russes qui s’emboîtent. Mise en abyme, jeux textuels : un clin d’œil littéraire original.
La nostalgie de l’amitié
On apprécie surtout ce bref récit d’une année lycéenne, à la fin des années ’70, qui comporte une ineffable nostalgie. Mobilisation étudiante, inauguration du Centre Pompidou, éclosion des commerces de luxe boulevard Saint-Germain. C’est toute une époque qui nous est délivrée ici.C’est aussi le témoignage de cette amitié, tacite mais forte, qui illumine parfois les années de fréquentation scolaire. Entre frasques étudiantes hors ou dans les murs de l’école, et amitié adolescente à la veille de l’âge adulte. Un chahut, des manifestations; les livres, des filles: la vie, croit-on.
“Du Père à son fils, l’affection. Du Prince au sujet, la justice. Du frère cadet à l’aîné, la subordination. D’un ami à son ami, toute la confiance, l’abandon, la similitude.Tu l’aimais beaucoup, ce poème de Segalen. Avec Fargues, c’est peut-être celui que tu nous as le plus lu.” (p. 274)
On a tous été un jour ces filles ou garçons : Thierry, Jean-François ou Guillaume, et en cela ils nous sont proches.