Amérique, Apprentissage, Etats-Unis, Roman

Canada

Richard Ford, Canada

La frontière

Les parents de Dell ont dévalisé une banque pour régler des dettes financières insurmontables. Mal leur a pris, le vol tourne mal. Ils laissent deux jeunes adolescents seuls dans une maison abandonnée, un foyer déserté.

 “Douze heures plutôt nos parents étaient encore là. Leur règles gouvernaient notre conduite et déterminaient tout ce que nous faisions. Maintenant ils étaient partis, et leur règles avec eux. J’en avais le vertige.” (p.204)

Pour échapper à l’orphelinat, Berner s’enfuit en Californie. Dell est pris en charge par une amie de sa mère qui franchit avec lui la frontière du Canada. Elle le dépose chez un frère, Arthur Remlinger, propriétaire avec sa femme Florence  d’un petit hôtel minable.

 “Et à ce moment-là, j’étais en bonne voie d’apprendre à subordonner les choses les une aux autres. C’est l’un des enseignements des échecs, et il est presque immédiat. Les événements qui ont radicalement changé la vie de nos parents sont devenus secondaires par rapport à ceux qui m ‘ont porté vers l’avenir, à compter de ce jour d’août. Parvenir à ce constat rien moins qu’évident, c’est à quoi a tendu ce récit jusqu’ici – et à y voir plus clair sur nos parents également.” (p.235)

La cassure

Un deuxième récit commence alors, lorsque notre héros passe la frontière. C’est la fin de l’innocence et d’une certaine idée de la jeunesse. C’est la vie auprès d’adultes “en phase avec les affaires du monde” (p. 290), qui s’avère parfois sordides.

“Cet état d’esprit m’assurait une liberté inédite, c’était comme une nouvelle vie qui commençait, ou comme de devenir quelqu’un d’autre, mais pas quelqu’un au point mon, quelqu’un en mouvement – et donc en phase avec les affaires de ce monde. Que ça me plaise ou non, et quoi que j’en pense, le monde autour de moi allait changer.”

L’adolescent est témoin d’un double meurtre commis par son tuteur. Le jeune homme regagne alors Winnipeg où il s’installe dans le foyer d’un couple de parents qui ont perdu un jeune enfant. On quitte Dell, âgé de 66 ans, après avoir pris connaissance de son récit. Il disserte sur ses jeunes années perdues à plus d’un titre. Il revoit sa sœur qui lui remet le manuscrit des chroniques d’une personne faible, rédigées par leur mère en prison, avant qu’elle ne se suicide.

Un roman et deux récits

Le roman vaut principalement par sa première partie. Richard FORD y raconte avec brio

  • la vie quotidienne d’un jeune garçon au Montana, qui rêve d’apiculture et du jeu d’échecs;
  • les prémisses du vol à main armée que ses parents s’apprêtent à commettre;
  • les conséquences terribles de ce fait divers dans la vie d’un garçon de 15 ans.

La deuxième partie et l’épilogue valent moins.

La fêlure

L’auteur s’ingénie à maintenir à demi-mots un suspense qui ne décroît pas au fil des premières pages, en jouant avec le temps, les réminiscences et les allers et venues dans le cours des événements qui frappent le jeune homme. Les faits se déroulent sous nos yeux, racontés par un vieil homme désabusé; ils signifient sans espoir de retour le passage d’une vie innocente à un âge adulte sans illusions. La frontière, comme symbole d’une irrémédiable fêlure dans le cours d’une existence.Une goutte d’eau ne remontera jamais à sa source…

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