Adolescence, Autobiographie, Écriture, Etats-Unis, Mélancolie, Roman

Excursions dans la zone intérieure

Paul Auster, Excursions dans la vie interieure

Rapport de la vie intérieure d’un grand écrivain américain. Le récit est mélancolique. L’auteur rapporte de manière systématique les faits et gestes, pensées et idées de l’enfance, depuis l’âge de 6 ans jusqu’à 22 ans. Et il n’y a pas à rire…

Rien qu’un homme

Paul AUSTER répertorie les éléments qui subsistent en mémoire pour décrire la vie d’un homme. Rien qu’un homme, à l’égal de tous les hommes, qui les vaut tous et que vaut n’importe qui, pour reprendre la formule de Sartre en exergue des “Mots”:

“Non pas parce que tu te considères comme un objet d’étude rare ou exceptionnel, mais précisément parce que ce n’est pas le cas, parce que tu estimes être comme n’importe qui, comme tout le monde.” (p. 12)

Le point de vue est phénoménologique : c’est un coup d’oeil appuyé sur la vie intérieure avec l’emploi du “tu”. Le narrateur tutoie son personnage, ce qui renforce l’aspect de “phénomène extérieur” du héros sous le regard scrutateur, étonné, de l’auteur.

L’auteur trace les incursions dans la conscience de soi, depuis 1953 (il a 6 ans alors). Le récit comprend des anecdotes : l’admiration du jeune Paul pour l’inventeur Thomas Edison, les souvenirs d’une famille tranquille, brisée par le divorce des parents, l’évocation d’une soeur psychotique. Suivent les années de collège, un concours de danse, jusqu’à un premier séjour à Paris pour étudier. Bizarrement figurent au centre du récit le compte-rendu détaillé de deux films que le jeune garçon a regardé au cinéma et qui l’ont impressionné. Rien ne nous est épargné, tout fait l’objet d’un rapport sombre.

La mélancolie

Mais le récit vaut surtout pour cet aspect mélancolique qu’il l’imprègne d’un bout à l’autre. L’auteur transcrit les traces d’un passé en fuite, un passé dépassé, des souvenirs qui s’échappent. Vaine tentative que de retenir quelques morceaux d’un temps perdu, dans un travail de mémoire attachant. L’acte d’écrire sur soi, dans un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, pour le compte d’un lecteur, se transforme en une incursion difficile dans une intériorité parcellaire. Vaste exploration d’un paysage mental lié à l’enfance, marquée par la perte, la disparition progressive de pans entiers. Par chance, des lettres adressées en 1966 à sa future épouse permettent à l’auteur de retrouver une mémoire enfouie. Ce sont les années d’études à Columbia qui reviennent, surgit aussi un séjour malheureux à Paris fait de désordre et solitude.

La naissance d’un écrivain

Crises intérieures, malaise sourd permanent, perte de sens… C’est à la naissance d’un écrivain que nous assistons. Car, comme il le révèle dans ce livre, comme jeune homme malheureux:

“Je suis en train de découvrir ce que ça signifie d’être artiste, d’être celui qui devient artiste, en retournant vers l’extérieur ce qui est en lui.” (p. 281)

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