Conte, En avant, Italie, Mise en abyme, Roman

Mr Gwyn

Alessandro BARICCO, Mr Gwyn

Tout commence comme un conte philosophique, une parabole dont on devine la sagesse, et cela se termine en un formidable roman avec une intrigue presque policière, un suspense, des rebondissements. Et toujours un propos hautement intéressant.

Un écrivain qui n’écrit plus

Mr Gwyn est une écrivain reconnu en Angleterre qui … ne veut plus écrire. Ou du moins, ne plus être publié, malgré le grand succès d’édition rencontré par ses précédents ouvrages. Ce revirement chez l’auteur à succès se produit au grand dam de son éditeur.

Le narrateur doit bien “admettre au fond de lui que l’abandon des livres avait créé un vide dans sa vie qu’il ne savait combler” (p. 32). Dès lors, à défaut de publication, Jasper Gwyn écrira des “portraits”, il devient copiste.

Un portraitiste

Il loue un atelier de peintre, installe un éclairage éphémère et un décor sonore, prend une secrétaire qui noue des contacts avec des clients. Pendant 32 jours et 4 heures par séance de pose, un personnage se met à nu et l’écrivain fait son portrait. Le résultat est une histoire inédite, quelques pages reliées avec soin et remises au modèle moyennant finance. Une sorte de pacte se noue. Les modèles défilent dans l’atelier : hommes, femmes, jeunes ou vieux, ces individus s’offrent au regard de Jasper Gwyn, témoin oculaire silencieux; ils sont seuls avec eux-mêmes devant les yeux du narrateur. Et l’expérience singulière, étrange, insolite, débouche sur un portrait écrit sous forme d’histoire.

Nous ne saurons jamais rien de ces écrits, on imagine “un bout d’histoire, une scène, comme si c’était le fragment d’un livre” (p.180). Ainsi en parle la secrétaire avec un vieil érudit:

” – Jasper Gwyn disait que chacun de nous est la page d’un livre, mais d’un livre que personne n’a jamais écrit et que nous cherchons en vain dans les rayonnages de notre esprit. Il m’a dit que ce qu’il essayait de faire était d’écrire ce livre pour les gens qui venaient le voir. Il fallait réunir les bonnes pages. Il était sûr d’y arriver.
Les yeux du petit vieux sourirent.
– Et il y arrivait?
– Oui.
– Comment faisait-il?- Il regardait les gens. Longuement. Jusqu’à ce qu’il découvre leur histoire.
– Il les regardait et rien d’autre.
– Oui. II pouvait discuter, mais brièvement, et à un seul moment. En général il laissait le temps passer sur eux et emporter un tas de choses, alors il trouvait l’histoire.” (p. 181-181)

A l’égal du lecteur

Chacun de nous est une page du livre. A l’égal du lecteur, qui se reconnaît toujours dans un ou plusieurs personnages du roman qu’il lit.

Mais l’expérience tourne court, à la suite d’un scandale provoqué dans la presse par une jeune fille modèle. Mr Gwyn cesse ses activités et disparaît pour revenir longtemps après, sous un pseudonyme, avec les pages d’un roman dédié à sa secrétaire. Les livres dans le livre.

Profondément humain, très attachant, un livre comprenant tous les aspects du conte philosophique et d’un récit romanesque “fabuleux“.

 

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2 Commentaires

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