Angleterre, Roman

La vie très privée de Mr Sim

Maxwell Sim, quadragénaire déprimé, commercial malchanceux, traverse l’empire britannique depuis l’Australie, où il a visité son père, jusqu’au bout de l’Angleterre. Ce parcours et bien des chemins de traverse sont l’occasion pour le personnage principal de revisiter son passé et de trouver un avenir possible. On suit volontiers le narrateur dans ce trajet en zig-zag, car l’auteur sait y faire pour nous rendre des personnages sympathiques, pour nous livrer une histoire tantôt étonnante, souvent émouvante.

Road movie

Max est un représentant de commerce chargé de traverser le pays pour présenter au mieux sa firme. Ce travail est un merveilleux prétexte pour faire le point sur son existence, alors que femme et enfant viennent de le quitter. C’est un point de départ pour parcourir l’Angleterre, s’arrêter en cours de route et retrouver les lieux, les personnes qui ont marqué sa vie passée:

  • un ancien ami, homme et père parfait devant qui Max faisait piètre figure;
  • son ex-femme, avec qui il correspond sur des forums de discussion, mais sous les traits d’une fausse identité – une femme compréhensive;
  • sa fille, adolescente, avec qui il a du mal à communiquer dans un environnement où pourtant les moyens de communication foisonnent;
  • la sœur de son meilleur ami, Alison, amoureuse insoupçonnée.

Les occasions perdues

C’est le livres des occasions manquées. L’auteur prend plaisir à nous présenter les faits et gestes d’un perdant sympathique:

  • son mariage s’est terminé par un divorce;
  • sa fille lui paraît lointaine, même en tête-à-tête;
  • il prend la fuite, quand Alison se déclare trop avant;
  • sa firme tombe en faillite;
  • une mère Chinoise qui l’émerveille et qu’il rejoint en Australie n’est pas libre.

Mise en abyme

Jonathan COE construit un savant montage pour nous livrer une histoire emplie d’autres histoires qui se répondent. Ce roman est truffé de récits divers, tels des tiroirs secrets qui s’ouvrent à notre vue au fil des pages:

  • le récit de David Crownhurst, navigateur solitaire qui fait croire à son tour du monde et finit par dériver, à moitié fou, alors que le monde découvre la supercherie;
  • la nouvelle écrite par son ex-femme qui nous révèle une part du passé de Mr Sim;
  • la confession rédigée par Alison qui nous livre son amour caché pour le narrateur;
  • les mémoires de son père, qui révèle une amitié masculine inaboutie.

Par une ingénieuse construction en poupées russes ou en miroir, nous découvrons les faits. Se dégage alors une morale étonnante.

Le monde est illusion

Car il se pourrait bien que le monde ne soit qu’illusion. Nous traverserions la vie comme une immense supercherie, nous leurrions le reste du monde pour finir par y croire nous-mêmes! Comme dans ces mondes virtuels nés d’internet où l’on prend une fausse identité, où on s’invente une existence, où on prend les traits d’un autre. A l’égal d’un voyageur solitaire mythomane qui nous fait croire avec force en ses exploits inventés.C’est tout l’art du romancier, et de Jonathan COE en particulier, dont il est question ici. L’auteur nous mène “en bateau”, mais c’est là un bon voyage que nous faisons sous sa conduite. Nous n’en demandons pas davantage…—–Jonathan COE, La vie très privé de Mr Sim, ed. Gallimard, coll. Du Monde entier, 2011, 449 p.The terrible privacy of Maxwell Sim, paru en 2009traduit de l’anglais par Josée Kamoun

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