Bible, Chronique, Homosexualité, Religion, Roman, Sida, Suède

N’essuie jamais de larmes sans gants

Jonas GARDELL, N'essuie jamais de larmes sans gants

Amour, maladie et mort

Amour, maladie et mort : les trois chapitres de ce roman démontrent l’équation valable pour les homosexuels dans les années 1980, partout dans le monde et plus particulièrement en Suède.

Nous suivons ici la destinée d’un groupe d’amis habitant Stockholm, avec pour animateur Paul, un homosexuel militant auprès de qui se retrouvent Rasmus, Benjamin et les autres. Rasmus et Benjamin forment le duo étoile dans ce récit, avec Benjamin rare témoin survivant. Nous voyons les deux jeunes hommes évoluer, depuis leur enfance en province dans un milieu familial rigide jusqu’à leur vie commune dans la capitale suédoise. Se succèdent les épisodes qui marquent l’existence des homosexuels en 1980 : la révélation de leur homosexualité, l’extraction difficile d’un milieu rétrograde, la vie commune, la revendication de leur différence. Et pire, avec la maladie, puis la mort, qui les frappent presque sans distinction.

L’histoire intime

Dans les premières pages du roman, en 1989, Rasmus se meurt dans la chambre d’un hôpital où les personnes atteintes du sida sont cantonnées. Le personnel médical approche les malades muni de gants stériles, dans la peur généralisée de la contagion. Benjamin, qui échappera à un destin tragique grâce à la trithérapie apparue par la suite, est aux côtés de son compagnon. Enfin, près de vingt ans plus tard, l’homme resté seul pourra se rendre sur la tombe de son ami, dont le corps avait été enterré dans son village natal, sous la « protection » exclusive de ses parents. A tous, l’amour leur fait l’effet d’une douleur fantôme :

« Il n’y a plus que le vide, là où il y avait Rasmus. L’amour. Une douleur fantôme. » (.p.460)

Le contexte de l’époque

Entretemps, alternent l’histoire et les propos sur l’apparition du Sida (le cancer gay), la réaction effarante des milieux traditionnels, les revendications des représentants homosexuels en Suède. Se succèdent les passages où Rasmus et Benjamin vivent leur union, et le comportement des membres de leur famille, protestante ou adepte des Témoins de Jéhovah. Le rejet est parfois total.

S’inscrivent dans l’histoire des récits enchâssés, qui racontent la destinée de Reine, une des premières victimes du Sida, qui mourra seul dans une chambre d’hôpital. Ou de Lars Ake, qui organise une grande fête réunissant toutes ses connaissances avant de mourir peu après. Et de Bengt, acteur qui connaît à peine le succès sur la scène, et qui se donne la mort pour éviter les souffrances ou le déshonneur.

Récit à plusieurs voix

C’est le roman des années sida en Suède, dans un concert de voix parfois discordantes. La construction du récit est polyphonique. Des passages se succèdent sur la destinée de Rasmus et Benjamin, avec pour figure centrale Benjamin qui résiste aux signes de la maladie, entouré de son cercle d’amis. En arrière-plan figurent ses parents ou ceux de Rasmus, avec qui les relations sont conflictuelles. Passé et présent se suivent, dans de courts chapitres, lors de l’évocation des origines des personnages. L’histoire de Benjamin et des siens alternent avec des propos sur le contexte historique ou politique, les milieux homosexuels en province ou dans la capitale que le personnage découvre et fréquente, les revendications des ligues LGBT.

Un roman foisonnant, où parfois l’auteur prend un ton polémique, revendicatif, ironique.

 

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