Un jeune professeur de français enseigne au Collège Mozart, dans une zone d’éducation prioritaire à Paris. Il entame l’année scolaire avec une classe de quatrième, et nous commençons de lire ce récit “entre les murs”.

Unité de lieu: un huis-clos

25 ans enfants de 14 ans et un enseignant entre les quatre murs de la classe, enfermés dans un monde dont personne ne semble sortir. Hors la classe, on reste au fil des pages de ce roman dans l’enceinte du collège. En périphérie de la salle de cours se trouvent la salle des profs (réservée aux adultes) ou la cour de récré (le lieu des enfants). Entre ces deux mondes , élèves et profs se rencontrent, ou s’affrontent, intra muros, dans la classe bien entendu. Au conseil de classe aussi, où deux étudiantes sont présentes comme déléguées de classe. Ou dans le bureau du proviseur, où est renvoyé un élève récalcitrant ou violent. Lors du conseil de discipline enfin, où a lieu le renvoi d’un adolescent, véritable mise à mort inéluctable de l’élève.

S’en sortir

Existe-t-il une chance de s’en sortir? Pas moyen de passer entre les murs, il n’y a pas de passe-muraille : l’école enferme au-dedans enfants et enseignants. Les élèves en viennent même à se cogner aux murs, comme lorsque le surveillant amène dans la salle des profs un enfant blessé:

“- Je peux vous confier cet individu?
– Et que nous vaut l’honneur de sa visite?
– Hier il nous a dit avoir été tapé par trois élèves, et aujourd’hui qu’on lui demande les noms, il dit qu’il s’est cogné contre le mur.” (p. 246)

Un peu plus loin dans le récit, le narrateur constate le calme étonnant qui règne en classe :

“C’était trop calme. Nul mouvement ne divertissait du lieu. Les murs se rapprochaient les uns des autres et broieraient tout le monde.” (p. 251)

Les élèves sont “socialement foutus” ou presque, comme le relève le narrateur, en pensant à la jeune fille qui vient se plaindre devant l’enseignant parce qu’elle ne comprend rien. Elle craint, dans la poursuite de ses études, de devoir “faire professionnel” (p. 170).
Pourtant, l’école est la “porte ouverte” vers une réussite, à force de travail, comme en fait preuve un jeune Chinois méritant au sein de la classe. Mais la mère du jeune élève est condamnée à être expulsée hors du pays, et peut-être devra-t-il suivre cette voie. Décidément, il n’y a pas moyen de s’en sortir… Sinon par l’exclusion, l’expulsion.
Tout est affaire de frontière, dans une délimitation de l’espace où se meuvent les corps en fonction d’une chorégraphie bien précise.

Unité de temps: une année scolaire

En-dehors de l’école, rien, si ce n’est une brasserie près du collège,  où le jeune prof boit son café avant de rejoindre sa classe le matin, à chaque entame de chapitre. Cet endroit, en bordure de l’établissement scolaire, marque le début de chaque partie qui rythme le récit. Les chapitres se succèdent, l’auteur égrène les jours de classe : 27, 30, 28, etc. qui s’additionnent pour faire 136 jours de cours prestés.

L’année se termine, dans la cour de récréation. Les réparties entre élèves et le narrateur ont pris fin. Les représentants de chaque camp (les professeurs qui font corps, les élèves qui font bloc) s’opposaient à l’autre à force de langage tout au long de l’année. Dans ces échanges, tout le monde voulait le dernier mot.
Lors du dernier jour d’école, élèves et corps professoral s’affrontent dans une dernière rencontre. Un match de football oppose les enseignants et les enfants. Sauf une personne, , le narrateur, qui ne prend pas part au match. Il préfère regarder la rencontre… que les élèves vont sans doute remporter! Le professeur de français entend être le témoin d’une ultime bataille rangée, sans prendre parti. Comme le lecteur, qui a assisté tout au long du récit à l’affrontement entre les deux camps, interdit, et qui tourne la dernière page avec un sentiment d’impuissance.

Très intéressant