Ce magicien d’Oz
Amos OZ excelle dans l’art qui consiste à transformer les petits riens de l’existence en une matière romanesque. Il compose ses récits et se révèle être le tisserand qui, à l’aide de fils épars, entrecroisés, crée un tissu solide, une toile impressionniste, un ensemble qui frappe par sa texture cohérente. De petits bruits, quelques émois, forment une belle composition, l’air de rien.
La vie au kibboutz
L’auteur raconte par petites touches des histoires anodines ayant pour cadre le kibboutz de Yikhat. Il s’agit d’une communauté forte de quelques centaines de personnes qui vivent et travaillent durement en respectant des règles strictes. La vie réelle, sous la plume de l’auteur, s’avère éloignée de l’idéal de vie sociale.
- Tsvi Provizor est un célibataire de 55 ans qui ne cesse de colporter de mauvaises nouvelles. Il parle sans arrêt, mais reste muet lorsqu’une femme, Luna Blank, tente un geste de pitié et se rapproche de lui.
- Boaz quitte sa femme pour Ariella. Pourtant, l’épouse délaissée insiste auprès de sa rivale pour prendre soin de son mari. Elle ne répond pas lorsqu’Ariella tente de communiquer avec elle.
- Nahum se rend auprès de David Dagan, enseignant âgé et influent, pour récupérer sa jeune fille Edna qui vit désormais avec son professeur. Mais les mots lui manquent quand il s’agit d’aller au bout de sa démarche.
- Moshe, 16 ans, se rend au chevet de son père hospitalisé. La conversation est difficile avec ce père grabataire, qui délire.
- Roni et Léa ne se comprennent pas; ils se disputent à propos de l’éducation donnée à leur jeune garçon.
- Yoav aide la belle Nina à trouver un endroit pour dormir, après qu’elle ait quitté son mari sans un mot. Mais que diraient les gens en les voyant tous les deux à la nuit tombée?
- Henia doit parler aux représentants du Comité pour demander que son fils aille étudier à l’étranger. Mais l’adolescent hésite et n’a pas de réponse à la question de savoir s’il aura le courage de partir.
Le récit se termine avec l’histoire de Martin qui se meure et donne avant de mourir un cours de langue, un cours d’espéranto. La langue universelle qui surmonterait l’incompréhension entre les hommes.
La fêlure
On le voit, la vie est dure dans le kibboutz, réglementée à l’excès, soumise aux décisions des comités de la santé ou de l’éducation. La conception de la vie en société se révèle injuste pour les femmes – elles doivent camoufler leur féminité (p.97); à l’encontre des enfants, qui dorment éloignés de leurs parents. Des doutes se manifestent quant à la validité des principes de cohésion sociale en vigueur dans le kibboutz Yikhat. Quelque chose se fissure, et c’est là que l’auteur s’immisce.Dans ce monde clos, il est bien difficile de communiquer, et l’auteur semble avec nous le regretter.
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